par Aude Camus
L’un des huit restaurants à faire une entrée remarquée dans le Guide Michelin Hong Kong Macau 2021, Ando, une collaboration entre le chef Agustin Balbi et le groupe de restaurants multirécompensé JIA Group, a ouvert ses portes à l’été 2020, seulement quelques semaines avant la mise en place de mesures de distanciation sociale draconiennes. De quoi donner des sueurs froides au chef Agustin Balbi mais aussi, selon lui, un moyen de montrer ses capacités d’adaptation et l’importance du travail d’équipe face à une situation inédite. Aujourd’hui, et alors que les restaurants peuvent de nouveau accueillir des clients le soir jusqu’à 22h, Ando affiche complet pour les deux prochains mois. Une belle récompense et une bouffée d’air frais après l’angoisse des fêtes de fin d’année mais aussi une belle pression pour le chef : « quand les gens font une réservation pour un diner deux mois plus tard, imaginez à quel niveau sont leurs attentes quand arrive enfin le jour de ce diner ! Je n’ai pas le droit de les décevoir. Ando est ma maison et chez moi c’est l’humain avant tout. ». La semaine dernière, j’ai profité d’un matin pluvieux pour me refugier chez Ando et prendre une heure avec le chef pour discuter guide Michelin, bien sûr, mais aussi hospitalité au sens large. Une discussion entre Buenos Aires, Tokyo et Hong Kong qui m’a donné l’envie de revenir très vite tester les spécialités du chef.
Bonjour chef. Merci de prendre le temps de me rencontrer ce matin avant le service du midi. Pouvez-vous commencer par vous présenter et notamment nous en dire un peu plus sur ce qui a inspiré votre carrière de chef ?
L’un des huit restaurants à faire une entrée remarquée dans le Guide Michelin Hong Kong Macau 2021, Ando, une collaboration entre le chef Agustin Balbi et le groupe de restaurants multirécompensé JIA Group, a ouvert ses portes à l’été 2020, seulement quelques semaines avant la mise en place de mesures de distanciation sociale draconiennes. De quoi donner des sueurs froides au chef Agustin Balbi mais aussi, selon lui, un moyen de montrer ses capacités d’adaptation et l’importance du travail d’équipe face à une situation inédite. Aujourd’hui, et alors que les restaurants peuvent de nouveau accueillir des clients le soir jusqu’à 22h, Ando affiche complet pour les deux prochains mois. Une belle récompense et une bouffée d’air frais après l’angoisse des fêtes de fin d’année mais aussi une belle pression pour le chef : « quand les gens font une réservation pour un diner deux mois plus tard, imaginez à quel niveau sont leurs attentes quand arrive enfin le jour de ce diner ! Je n’ai pas le droit de les décevoir. Ando est ma maison et chez moi c’est l’humain avant tout. ». La semaine dernière, j’ai profité d’un matin pluvieux pour me refugier chez Ando et prendre une heure avec le chef pour discuter guide Michelin, bien sûr, mais aussi hospitalité au sens large. Une discussion entre Buenos Aires, Tokyo et Hong Kong qui m’a donné l’envie de revenir très vite tester les spécialités du chef.
Bonjour chef. Merci de prendre le temps de me rencontrer ce matin avant le service du midi. Pouvez-vous commencer par vous présenter et notamment nous en dire un peu plus sur ce qui a inspiré votre carrière de chef ?
Je suis Argentin, né à Buenos Aires. J’ai commencé à travailler dans un restaurant très jeune, vers 14 ans, mais pas du tout par nécessité, plutôt pour occuper le temps pendant mes vacances. Je m’ennuyais et ma mère avait une amie qui possédait un restaurant assez classe et m’a proposé de venir y passer quelques heures par jour. J’ai adoré. Premièrement parce que j’adore la nourriture, difficile de le cacher car j’ai toujours été bien en forme. Mais aussi parce que j’ai immédiatement aimé l’ambiance électrique qui régnait en cuisine, le travail d’équipe, les gestes précis de la chef … En fait, cela m’a fasciné. J’ai tellement accroché que j’ai continué à aller au restaurant les après-midis et le soir, après l’école, quand mes cours ont repris après les vacances d’été. Ce qui devait n’être qu’un petit job de vacances est devenu une activité quasi quotidienne. Jamais avant ça je n’avais imaginé devenir chef un jour. Mais plus je passais de temps dans ce restaurant, plus j’avais envie d’y passer du temps. Et puis, j’ai aussi compris que chef était un travail qui me permettrait de voyager puisque, peu importe où vous allez dans le monde, les gens ont toujours besoin de manger. J’ai donc fait tout mon lycée en travaillant dans ce restaurant sur mon temps libre, soit trois ans, et sitôt le lycée terminé, je suis entré dans une école de cuisine à Buenos Aires.
Je suis un autodidacte, j’ai tout appris sur le tas. Mais du coup, en arrivant dans cette école, j’avais déjà quatre ans de pratique. Je me suis vite retrouvé en décalage avec les autres étudiants qui eux étaient là pour apprendre les rudiments. Je ne dis pas que j’étais un génie, c’est juste que moi cela faisait déjà quatre ans que j’éminçais des oignons tous les jours donc forcément j’avais un train d’avance. Les profs ont vite réalisé cela, je pense qu’ils ont aussi vu la passion qui m’animait, et ils m’ont offert la chance de pouvoir aller travailler à la Nouvelle-Orléans. Voilà, ma carrière a commencé comme cela, un joli coup du hasard qui m’a fait découvrir ma passion.
Vous êtes ensuite parti travailler au Japon, complètement l’autre bout du monde par rapport à l’Argentine. Était-ce un choix délibéré ou encore un coup du hasard ?
Je savais que je ne ferais pas carrière en Argentine car mon objectif était de travailler dans des étoilés Michelin or nous n’avons pas de Guide Michelin dans mon pays. Je savais aussi que je ne voulais pas aller en Europe. En Argentine, nous avons tous des origines italiennes ou espagnoles. Moi j’ai les deux. Notre culture est latine et pour moi, aller en Europe c’était la solution de facilité. J’avais cette conviction que pour vraiment m’accomplir en tant que chef, il fallait que je découvre une nouvelle culture. Le Japon a cette réputation d’excellence gastronomique et, en tant que chef aux Etats-Unis, j’avais effleuré du bout des doigts cette culture et ses produits. Notamment les fruits de mer, une nouveauté pour moi parce qu’en Argentine nous sommes des viandards. J’ai donc décidé d’aller découvrir ce pays.
Et vous y avez passé presque six ans
Oui. Une culture ne se découvre pas, et ne se comprend pas, en trois semaines. J’ai appris le Japonais. Parce que je n’avais pas le choix, les Japonais parlent très peu anglais, mais aussi parce que la façon de penser est très différente de la nôtre et que pour bien comprendre la culture il était essentiel de parler la langue. Les subtilités et le sens profond des choses se perdent lorsqu’on traduit tout en anglais. J’ai aussi rencontré ma femme au Japon.
Et Hong Kong alors ? Comment êtes-vous arrivé ici ?
Après six ans au Japon, j’ai ressenti le besoin de bouger à nouveau. Mes années à Tokyo ont été très intenses. J’étais 100% concentré sur mon travail et mon apprentissage. Je n’ai pas pris de vacances, pas voyagé en Asie, j’ai pu faire cela parce que j’étais encore jeune et je n’avais pas encore construit ma famille. Mais au bout d’un moment est venu le besoin de prendre un peu de recul. Pourquoi Hong Kong ? Il y a une vraie passion des Hongkongais pour le Japon et j’ai donc eu l’occasion d’échanger avec mal de clients Hongkongais en travaillant à Tokyo. J’ai été frappé par leur passion pour la gastronomie. Et puis, le fait que tout le monde parle anglais m’a aussi motivé, moi qui cherchais quelque chose de plus facile. C’est une vraie chance d’être un chef ici à Hong Kong. Nous avons accès à tous les ingrédients du monde entier et il y a une vraie passion des locaux pour la gastronomie. C’est simple, en Europe ou en Argentine, si vous êtes un foodie, vous allez au restaurant peut être une fois par semaine. Ici certains mangent dehors tous les jours ! C’est un vrai sport national.
Vous avez mentionné avoir quitté l’Argentine pour pouvoir travailler dans des restaurants étoilés. Les étoilés c’est quelque chose qui vous a toujours animé ?
Oui ! Mais sans vraiment savoir ce que c’était au début. Un chef m’avait dit que pour être vraiment accompli en tant que chef, il fallait avoir une étoile. Pour moi l’étoile c’était quelque chose de presque romantique, une sorte d’oscar de la cuisine, je le voyais comme une récompense d’un travail d’artiste.
Et du coup, maintenant que vous avez obtenu votre première étoile, vous sentez-vous cette âme d’artiste ?
Je suis un autodidacte, j’ai tout appris sur le tas. Mais du coup, en arrivant dans cette école, j’avais déjà quatre ans de pratique. Je me suis vite retrouvé en décalage avec les autres étudiants qui eux étaient là pour apprendre les rudiments. Je ne dis pas que j’étais un génie, c’est juste que moi cela faisait déjà quatre ans que j’éminçais des oignons tous les jours donc forcément j’avais un train d’avance. Les profs ont vite réalisé cela, je pense qu’ils ont aussi vu la passion qui m’animait, et ils m’ont offert la chance de pouvoir aller travailler à la Nouvelle-Orléans. Voilà, ma carrière a commencé comme cela, un joli coup du hasard qui m’a fait découvrir ma passion.
Vous êtes ensuite parti travailler au Japon, complètement l’autre bout du monde par rapport à l’Argentine. Était-ce un choix délibéré ou encore un coup du hasard ?
Je savais que je ne ferais pas carrière en Argentine car mon objectif était de travailler dans des étoilés Michelin or nous n’avons pas de Guide Michelin dans mon pays. Je savais aussi que je ne voulais pas aller en Europe. En Argentine, nous avons tous des origines italiennes ou espagnoles. Moi j’ai les deux. Notre culture est latine et pour moi, aller en Europe c’était la solution de facilité. J’avais cette conviction que pour vraiment m’accomplir en tant que chef, il fallait que je découvre une nouvelle culture. Le Japon a cette réputation d’excellence gastronomique et, en tant que chef aux Etats-Unis, j’avais effleuré du bout des doigts cette culture et ses produits. Notamment les fruits de mer, une nouveauté pour moi parce qu’en Argentine nous sommes des viandards. J’ai donc décidé d’aller découvrir ce pays.
Et vous y avez passé presque six ans
Oui. Une culture ne se découvre pas, et ne se comprend pas, en trois semaines. J’ai appris le Japonais. Parce que je n’avais pas le choix, les Japonais parlent très peu anglais, mais aussi parce que la façon de penser est très différente de la nôtre et que pour bien comprendre la culture il était essentiel de parler la langue. Les subtilités et le sens profond des choses se perdent lorsqu’on traduit tout en anglais. J’ai aussi rencontré ma femme au Japon.
Et Hong Kong alors ? Comment êtes-vous arrivé ici ?
Après six ans au Japon, j’ai ressenti le besoin de bouger à nouveau. Mes années à Tokyo ont été très intenses. J’étais 100% concentré sur mon travail et mon apprentissage. Je n’ai pas pris de vacances, pas voyagé en Asie, j’ai pu faire cela parce que j’étais encore jeune et je n’avais pas encore construit ma famille. Mais au bout d’un moment est venu le besoin de prendre un peu de recul. Pourquoi Hong Kong ? Il y a une vraie passion des Hongkongais pour le Japon et j’ai donc eu l’occasion d’échanger avec mal de clients Hongkongais en travaillant à Tokyo. J’ai été frappé par leur passion pour la gastronomie. Et puis, le fait que tout le monde parle anglais m’a aussi motivé, moi qui cherchais quelque chose de plus facile. C’est une vraie chance d’être un chef ici à Hong Kong. Nous avons accès à tous les ingrédients du monde entier et il y a une vraie passion des locaux pour la gastronomie. C’est simple, en Europe ou en Argentine, si vous êtes un foodie, vous allez au restaurant peut être une fois par semaine. Ici certains mangent dehors tous les jours ! C’est un vrai sport national.
Vous avez mentionné avoir quitté l’Argentine pour pouvoir travailler dans des restaurants étoilés. Les étoilés c’est quelque chose qui vous a toujours animé ?
Oui ! Mais sans vraiment savoir ce que c’était au début. Un chef m’avait dit que pour être vraiment accompli en tant que chef, il fallait avoir une étoile. Pour moi l’étoile c’était quelque chose de presque romantique, une sorte d’oscar de la cuisine, je le voyais comme une récompense d’un travail d’artiste.
Et du coup, maintenant que vous avez obtenu votre première étoile, vous sentez-vous cette âme d’artiste ?
Pas vraiment ahah. C’est beaucoup moins romantique que ce que j’avais imaginé à mes débuts. C’est surtout beaucoup de sueur et de travail ! Mais je suis très heureux, c’est une très belle reconnaissance surtout après les mois difficiles que nous avons vécus. Ce qui m’énerve c’est quand on dit que j’ai obtenu cette étoile après seulement quelques mois d’ouverture. Oui, effectivement, Ando n’a ouvert ses portes que l’été dernier, mais moi cela fait des années que je travaille et pour moi c’est ce travail là que vient récompenser cette étoile.
En parlant d’Ando justement, quel est la signification du nom du restaurant ?
Il y a plusieurs significations. Ando c’est le gérondif en espagnol, l’équivalent du -ing anglais, cela veut dire qu’il y a un mouvement constant. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons ces centres de tables, faits sur-mesure par un artiste local, qui symbolisent l’infini.
En parlant d’Ando justement, quel est la signification du nom du restaurant ?
Il y a plusieurs significations. Ando c’est le gérondif en espagnol, l’équivalent du -ing anglais, cela veut dire qu’il y a un mouvement constant. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons ces centres de tables, faits sur-mesure par un artiste local, qui symbolisent l’infini.
En japonais, Ando c’est le calme et c’est un sentiment que nous voulons partager avec nos clients. Enfin, mon nom complet est Agustin Ferrando Balbi et vous retrouvez donc ando la aussi. Ando c’est plus qu’un restaurant. C’est ma maison. D’ailleurs, si je ne suis pas là, parce que c’est mon jour de repos ou autre, le restaurant est fermé. Non pas parce que je ne fais pas confiance à mon équipe. Je sais très bien que si je ne suis pas là ils sont tout à fait capables de délivrer le même niveau d’excellence dans le service et dans l’assiette. C’est juste que l’on n’invite pas les gens chez soi lorsque l’on n’y est pas. Cette vision de l’hospitalité me vient de mes années au Japon, là-bas c’est ce que l’on appelle l’omotenashi.
Et cette maison dans laquelle vous nous recevez, reflète-elle les différentes cultures auxquelles vous avez été exposées ?
Et cette maison dans laquelle vous nous recevez, reflète-elle les différentes cultures auxquelles vous avez été exposées ?
Oui, je pense que oui. Je ne saurai pas bien définir la cuisine que je fais chez Ando, ce n’est pas un type de cuisine précis c’est juste ma cuisine, celle qui découle de mon parcours jusqu’à aujourd’hui. J’ai grandi en Argentine, nourri par une grand-mère espagnole donc mes souvenirs gastronomiques d’enfance sont ceux des goûts et parfums de la cuisine espagnole. Mais je me suis formé aux techniques japonaises. Je crois que la fusion se fait très naturellement, je fais une cuisine qui parle à différentes personnes, pour différentes raisons, parce qu’elle combine différentes influences.
Et lequel des plats de votre menu est le plus personnel ?
Et lequel des plats de votre menu est le plus personnel ?
Sin Lola, qui veut dire « Sans Lola » et qui est un plat que ma grand-mère, Lola, avait l’habitude de faire. Elle n’est malheureusement plus parmi nous aujourd’hui mais moi je continue à faire ce plat, sans elle donc sans Lola. C’est un riz dans une sauce, que j’ai évidemment rendu plus gastronomique qu’il ne l’était dans mon enfance, et c’est un plat qui va droit au cœur de tous ceux qui le mangent mais pour différentes raisons. C’est un plat espagnol dans ses saveurs mais je le sers à l’asiatique c’est-à-dire après la viande et juste avant le dessert, et non en accompagnement à l’européenne. C’est l’illustration même de la façon dont je mêle mes différentes influences. Comme vous pouvez le voir, c’est bien plus subtil que de servir un sushi avec une paella.